Glissements de terrain dans les pentes argileuses du Québec dans un contexte de changement climatique (PACC 20-21-01)
Seulement au Québec, une moyenne de 200 glissements de terrain par année est rapportée, dont 80% surviennent dans des sols argileux. 40% de ces évènements seraient liés à une intervention humaine (Demers et al., 2014). L’étude réalisée par Cloutier et al. (2016) sur les effets des changements climatiques sur les mouvements de terrain au Canada dénote qu’en excluant les évènements extrêmes, les glissements dans la vallée du Saint-Laurent ont coûté la vie à 154 personnes depuis 1870, dont une coulée argileuse ayant causé la mort de 31 personnes en 1971 (Tavenas, 1971; Potvin et coll., 2001) et un étalement faisant 4 autres morts en 2010 (Locat et al., 2017). Des évènements extrêmes comme la tempête de 1996 au Saguenay–Lac-Saint-Jean au Québec, causant environ 1 000 glissements de terrain en 10 jours (Perret et Bégin, 1997), et les pluies abondantes du printemps 2017 causant 220 glissements de terrain répertoriés au Québec entre le 1er avril et le 31 mai 2017, viennent augmenter ces statistiques et indiquent que la population et les infrastructures sont vulnérables aux effets néfastes du climat.
Selon Ouranos (2015), d’ici 2050, les changements climatiques conduiront à une augmentation des précipitations et à des événements extrêmes plus fréquents, dont entre autres, une augmentation des événements de pluies intenses qui, comme observé au Saguenay en 1996 (Demers et al., 1999), peuvent induire de nombreux glissements de terrain en un court laps de temps. Ceux-ci peuvent décharger des talus et initier des glissements fortement rétrogressifs de types coulée argileuse ou étalement. De plus, la puissance d’érosion des cours d’eau devrait être accrue lors d’événements météorologiques extrêmes, ce qui pourrait aussi contribuer à augmenter la fréquence des glissements de terrain, tous types confondus. Ainsi, il est important de raffiner les connaissances actuelles afin de mieux comprendre la dynamique d’infiltration de l’eau souterraine ainsi que son écoulement dans les massifs argileux et de mieux évaluer son rôle dans l’évolution des contraintes effectives et le développement des glissements de terrain.
Les divers facteurs influençant la stabilité d’un talus sont bien connus (Leroueil, 2001), mais de récentes études compilant les effets du climat sur les mouvements de terrain (Gariano et Guzetti, 2016; Ho et al., 2016, pour une synthèse mondiale, et Cloutier et al., 2016, pour une synthèse canadienne) indiquent que le lien entre les paramètres déclencheurs des mouvements de terrain, dont les précipitations, et le climat d’une région est méconnu. Ainsi, des recherches sur le lien entre les variations fines et à long terme du climat, des pressions interstitielles et des contraintes effectives sur le déclenchement de l’instabilité sont nécessaires. Ces études justifient donc l’intérêt de sites instrumentés permettant l’enregistrement des paramètres climatiques en temps réel et de leurs effets directs sur les talus et le risque lié aux glissements de terrain (Ho et al., 2016; Cloutier et al., 2016).
L’Université Laval, le ministère de Sécurité publique (MSP) et le ministère des Transports du Québec (MTQ) travaillent conjointement à la mise en place et l’exploitation d’un réseau de stations d’observations des conditions d’eau souterraine de talus d’argiles sensibles (PACC 15-16-12 et PACC-17-18-06). Ce réseau est établi dans différentes régions du Québec méridional lequel, couplé à des stations météorologiques, permet l’acquisition de données en continu à haute résolution temporelle et spatiale. Il s’agit du seul moyen permettant l’observation directe des effets du climat sur les pressions interstitielles et par le fait même, sur la stabilité des pentes.
Le but de ce projet de recherche est d’améliorer nos connaissances sur l’effet des changements climatiques sur la stabilité des pentes argileuses du Québec. Une pentes type d’argile sensible sera donc sélectionnée à partir des données et des connaissances développées à l’Université Laval et au MTQ dans les deux projets de recherche mentionnés plus haut. Le régime d’écoulement souterrain de ces pentes sera analysé et permettra de simuler et de comprendre l’effet des précipitations (régulières et conditions extrêmes), du niveau d’une rivière en bas de pente et de l’érosion sur la stabilité de cette pente. Ce projet a été étudié dans le cadre de la maîtrise de M. William Larouche-Tremblay.